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Une petite introduction générale - Analyse structurale et éléments finis

Une petite introduction générale - Analyse structurale et éléments finis

Les projets de construction de génie civil nécessitent de justifier les ouvrages vis-à-vis d’un ensemble de risques identifiés sur la base d’un référentiel technique, s’appuyant en principe sur une règlementation en vigueur ou bien choisie par le maître d’ouvrage. Pour cela les ingénieries procèdent à des études de conception et d’exécution avec des niveaux plus ou moins affinés en fonction de la complexité de l’ouvrage et du stade d’avancement du projet. De plus, en matière de génie civil, il s’agit d’en étudier les aspects structurels, en tenant compte des diverses interactions possibles en fonction de leur prédominance.

Performance structurale

La modélisation et les éléments finis sont des outils au service de l’évaluation de la performance structurale pour la conception et la vérification des projets d’ouvrages de génie civil qui peuvent concerner la construction d’ouvrages neufs, ou encore la réutilisation ou la réhabilitation d’ouvrages existants. Ainsi, la modélisation et les éléments finis répondent avant tout à un besoin, et ne sont pas une fin en soi.

L’appellation « performance structurale » désigne la capacité de la structure à remplir les exigences pour lesquelles elle est conçue, qui se répartissent en trois catégories :

  • la sécurité structurale, qui assure la résistance de la structure aux actions prévues en situation normale ainsi que sa robustesse en situation exceptionnelle ;
  • l’aptitude au service, qui assure le maintien de l’exploitation de la structure ;
  • la durabilité, qui décrit l’aptitude de la structure à demeurer en état d’accomplir ses performances de sécurité structurale et d’aptitude au service dans des conditions données d’utilisation et de maintenance sur une durée de service définie.

L’évaluation de la performance structurale des ouvrages neufs ou existants s’appuie sur la théorie de la fiabilité, et peut se traiter par différentes approches d’évaluation :

  • déterministe (toutes les données sont supposées complétement connues),
  • probabiliste (les données sont entachées d’incertitudes et sont représentées par des variables ou fonctions aléatoires)
  • ou encore semi-probabiliste (reposant sur les notions d’état limite et de coefficients partiels de sécurité).

Analyse structurale

En génie civil, l’évaluation de la performance structurale se traite par une approche semi-probabiliste selon la méthode dite des états limites, comme par exemple proposée par les Eurocodes qui permettent de traiter la plupart des cas d’ouvrages. On parle alors d’analyse structurale, qui est une notion fondamentale des Eurocodes.

L’analyse structurale se fait sur la base d’une modélisation qui résulte d’une réflexion de l’ingénieur et de choix d’hypothèses, en tenant compte des données disponibles (à défaut poser des hypothèses les plus pertinentes possibles, et les vérifier par la suite) : il s’agit en d’autres termes de « bien poser le problème » à résoudre et de définir le système à étudier.

L’analyse structurale est un processus par lequel l’ingénieur établit une représentation simplifiée de la structure mais reproduisant le mieux possible le comportement mécanique de celle-ci.

 

Modélisation

Selon l’Eurocode, la modélisation structurale doit impliquer des calculs qui doivent être effectués à l'aide de modèles appropriés incluant les variables concernées. Il convient que les modèles structuraux permettent de prédire le comportement structural avec un niveau de précision acceptable. Il convient également que les modèles structuraux soient appropriés aux états-limites considérés, et ce pour chaque étape du projet. Les modèles structuraux utilisés doivent être fondés sur une théorie et une pratique établie, et être vérifiés expérimentalement si besoin est.

La modélisation est donc une démarche, ou encore un processus, qui consiste à concevoir et établir un modèle. Selon ses objectifs et les moyens utilisés, la modélisation peut être menée suivant des approches et des méthodologies distinctes. Il s’agit de représenter un objet ou un phénomène réel extrait de son environnement en le simplifiant par un système isolé suivant un concept ou bien une théorie. Il est construit à partir des phénomènes physiques mis en jeu, et intègre par conséquent les lois de la physique. Cela se traduit par le choix de lois de comportement formulées selon des équations mathématiques adaptées pour chaque matériau et chaque partie d’éléments structurels de l’ouvrage à analyser ; cela conduit donc à résoudre des systèmes d’équations complexes de la mécanique des milieux continus, formulées sous forme d’équations aux dérivées partielles.

La principale spécificité des calculs de génie civil, au regard d’autres domaines de l’ingénierie, tient à la nécessité de prendre en compte des phases de construction, telles que le déblaiement ou le remblaiement, la prise d’un massif de béton, la fixation d’une lierne, la mise en tension ou l’ancrage de câbles. La modélisation traduit ces événements dans le langage de la statique, de différentes façons : par une reprise de calcul avec des contraintes internes (« contraintes initiales »), le changement de raideur de certains éléments (passage d’une raideur nulle à une raideur positive), la disparition ou le changement de nature de certains appuis, des changements de point d’application des chargements, etc.

Les « structures modernes » du génie civil (celles d’après la première révolution industrielle) présentent des caractéristiques favorables à leur calcul : géométrie régulière, motifs répétés, qualité des matériaux de construction (par conformité aux « normes produit »). Elles sont néanmoins affectées par une multitude de facteurs peu ou pas contrôlables : facteurs d’ambiance, comme la nature des terrains sur lesquels elles sont fondées, qualité de leur réalisation, puisque la mise en œuvre des matériaux de construction s’opère parfois dans des conditions d’accès ou dans un contexte météorologique défavorables (sensibilité de certains matériaux comme le bois à l'humidité qui impacte les dimensions et les caractéristiques mécaniques en situations normale (créations de jeux, de frettages…) ou comme l'acier avec la température en situation d'incendie… ), enfin vieillissement hétérogène de leurs différentes parties.

Face au problème du dimensionnement ou de la vérification de l’équilibre des constructions réelles, le calcul des structures repose sur des modélisations, c’est-à-dire des simplifications de constructions réelles : modèles de matériaux, hypothèses cinématiques idéales (liaisons parfaite, bilatérales, indépendantes des réactions), et même sélection arbitraire de ce que l’on fait intervenir dans l’équilibre des constructions (en ne prenant pas en compte certaines parties des édifices, ou en négligeant la participation de certains composants matériels). Ces simplifications impliquent naturellement que les résultats des calculs n’ont qu’un rapport contingent avec les constructions réelles, dans leur environnement. Les résultats d’une modélisation doivent, par conséquent, toujours être examinés avec un regard critique, y compris en remontant aux hypothèses plus ou moins explicites sur lesquelles elle s’est appuyée : avant tout, une isolation du système de son environnement, puis la sélection d'un modèle mathématique et d'une méthode de résolution…

Les solutions exactes étant très rares (limitées à quelques cas d'école), on est amené dans la pratique à procéder à une résolution par utilisation de méthodes approchées :

  • soit de type analytique : par exemple par utilisation de la Résistance des Matériaux (RdM) pour laquelle des considérations géométriques amènent à simplifier la résolution du problème tridimensionnel à un problème bidimensionnel (feuillet moyen des plaques et coques) ou monodimensionnel (fibre moyenne des poutres) …
  • soit de type numérique : méthode des éléments finis (MEF), différences finies …

Afin de valider les résultats obtenus, une comparaison avec des mesures expérimentales peut être réalisée. Il est important de souligner que différentes sources d’erreur sont présentes dans cette comparaison. On peut notamment distinguer :

  • l’erreur de modèle, provenant de la simplification du problème réel par un modèle simplifié,
  • l’erreur de discrétisation, due à la résolution numérique du problème,
  • l'erreur de mesure, liée à l'instrumentation et à la prise de mesure,

les résultats obtenus étant, dans le cas idéal, à comparer aux mesures expérimentales, pouvant être elles-mêmes entachées d'erreurs… Il est de plus possible de combiner les deux familles de méthodes approchées : MEF en théorie des poutres, différences finies en théorie des plaques…

La simplification doit permettre de résoudre le problème afin d’évaluer numériquement les effets (efforts, contraintes, déplacements) des différentes sollicitations vues par la structure. Elle doit néanmoins coller le mieux possible avec la structure réelle.

Du problème à sa résolution approchée

Méthode aux éléments finis

La méthode aux éléments finis (MEF) est avant tout un outil de modélisation, qui permet la résolution numérique approchée des problèmes posés à base d’équations aux dérivées partielles. La méthode des éléments finis est applicable aux ouvrages de génie civil, dans la mesure où les matériaux des constructions modernes, comme l’acier ou le béton, permettent l’hypothèse de matière continue, hypothèse structurante pour la formulation des éléments finis. Cela suppose qu’avant son emploi, l’ingénieur a procédé à une première réflexion sur son utilisation dans ses études, et qu’il est conscient de la démarche de modélisation.

La MEF est une méthode numérique générale permettant de traiter des problèmes réels (« industriels ») de différents domaines (mécanique des solides, des fluides, thermique…) sur des milieux continus, en statique ou dynamique, linéaire ou non-linéaire, ainsi que des problèmes couplés : thermo-mécanique (structure en situation d'incendie), fluide-structure (vibrations d'un réservoir contenant un liquide), chimie-mécanique (prise en compte de la corrosion des armatures dans le béton armé) … Son essor est lié à celui de l'informatique depuis les années 1980 et a donné lieu à la création d'un grand nombre de logiciels. Ce guide ne traite que de l’utilisation des éléments finis, mais cette méthode n’est naturellement pas la seule technique en calcul de structure : outre certaines approches traditionnelles comme la statique graphique, l’emploi d’abaques ou les techniques analogiques sur maquettes (reconnues par les Eurocodes structuraux), on dispose aujourd’hui de bien d’autres outils (méthodes spectrales, éléments de frontière (BEM), éléments discrets, etc.), certains encore proches de la recherche, mais la MEF est la plus générale et la plus utilisée dans la pratique, ayant eu un grand essor lié à l’essor de l’informatique depuis les années 1980 et donné lieu à la création d’un grand nombre de logiciels.

D'une manière très globale, le principe général de la MEF peut être résumé de la façon suivante : le domaine d'étude, de forme a priori complexe, est découpé (discrétisé) en un grand nombre de sous-domaines de formes simples (les éléments finis) sur lesquels sont distingués des points (les nœuds) : on définit de la sorte un maillage. La solution approchée du problème n’est calculée qu’aux nœuds (solution discrète), la solution approchée continue sur le domaine étant obtenue en tout point par interpolation des valeurs aux nœuds.

Plus précisément, les différentes étapes de la MEF sont :

  1. Discrétisation de la structure en un ensemble de nœuds reliés par des éléments de comportement connu. Établissement du vecteur colonne déplacement D, regroupant les N degrés de libertés de la structure. Les degrés de liberté sont les déplacements (translations et rotations, selon le type de modélisation) possibles de la structure. Ce sont les inconnus du problème, qui se traite donc dans l’espace RN
  2. Établissement du comportement des éléments. Ce comportement comporte deux parties :
    1. La détermination des forces de déplacement fed : ce sont les forces exercées par les nœuds reliés à l’élément sur cet élément, pour lui imposer leur déplacement de. La relation est établie dans un repère local propre à l’élément, puis transposée dans l’espace des degrés de liberté : FeD = Ke.De. On peut reprendre ici la relation donnée en 1 p 8, mais dans un but didactique, il peut être préférable de traiter séparément la question du comportement unitaire des éléments (qui relève d’une sorte de bibliothèque comportementale dans laquelle on vient piocher)
    2. La détermination des forces de blocage feb : ce sont les forces exercées par les nœuds sur un élément directement chargé, pour l’empêcher de bouger ; les noeuds jouent ici un rôle virtuel d’appui pour l’élément, et on détermine les réactions d’appui, d’abord dans un repère local de l’élement, feb, puis dans l’espace des degrés de liberté : FeB
  3. Assemblage. Établissement de la matrice de rigidité de la structure et des forces exercées par les noeuds sur les éléments en raison de leur chargement. Ceci se fait par addition, dans l’espace RN pour les vecteurs et RN x RN pour les matrices, des matrices de rigidité élémentaires et des forces de blocage : K = ∑ Ke et FB = ∑ FBe
  4. Écriture et résolution de l’équation en déplacements, qui est en fait l’équation d’équilibre des nœuds. Les nœuds exercent sur les éléments des forces pour leur imposer un déplacement D (KD) et des forces de blocage en réaction des charges directement appliquées sur les éléments (FB). Les nœuds peuvent être soumis à des forces extérieures qui seraient directement appliquées aux nœuds (FN), comme les réactions d’appui par exemple. L’équation général s’écrit : KD = F (avec F = FN – FB)
  5. Résolution : calcul des déplacements : D = K-1F. On pratique, on doit distinguer les degrés de liberté dont les valeurs sont connues (les appuis) des autres. On note D1 les degrés de liberté inconnus et D2 les degrés de liberté connus et on organise l’espace des degrés de liberté en mettant d’abord ceux qui sont inconnus. L’équation générique s’écrit alors . Dans cette équation, F1 et D2 sont connus. On détermine donc  puis F2.
  6. Connaissant les déplacements, on peut déterminer les efforts sur les éléments en revenant sur les équations de comportement élémentaire de chaque élément.

Géométrie et maillage (éléments finis triangulaires et nœuds)

Le présent guide s’attache à décrire les outils disponibles couramment dans les programmes de calcul de structures par éléments finis, en statique et en dynamique. Pour des raisons de place et de clarté, nous avons choisi de laisser de côté les problèmes d’écoulements interstitiels, malgré leur grand intérêt en géotechnique ; du point de vue des difficultés de modélisation, ce champ d’application, couvert lui aussi par la méthode des éléments finis, pose des problèmes tantôt analogues à ceux que l’on rencontre en dynamique des structures (choix du pas de temps), tantôt en élastoplasticité (contrastes de perméabilité, frontière entre zone saturée et non-saturée, etc.).

La méthode des éléments finis est un outil numérique de résolution numérique. La modélisation qui précède cette résolution peut s’appuyer sur l’ensemble des principes de l’analyse structurale qui préexistaient.