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F.1 Aspects géométriques

F.1 Aspects géométriques

L’un des atouts de la méthode des éléments finis réside dans la possibilité de décrire la géométrie exacte des ouvrages, y compris au cours des différentes phases de construction. Des outils de pré-traitement proches de la CAO permettent de générer facilement des géométries très complexes. Une des spécificités des ouvrages géotechniques réside dans le fait qu’il faut en général prendre en compte dans le maillage le massif de terre qui constitue ou qui entoure l’ouvrage lui-même.


1) Limites du domaine d'étude

Une première difficulté consiste à cerner les limites du domaine pris en compte dans l’étude. Pour un ouvrage géotechnique, les limites horizontales et la limite inférieure du domaine d’étude sont rarement précisément déterminées : on limite l’étendue du domaine d’étude par des plans verticaux, dont la position est fixée généralement suivant des règles empiriques.

En déformation plane par exemple, la position à laquelle on fixe la limite inférieure du maillage a une influence directe sur le tassement calculé pour une semelle filante ou au-dessus d’un tunnel. Cette influence est nette dans le cas d’un massif de sol élastique linéaire homogène. On peut la réduire en prenant en compte des modules élastiques qui augmentent avec la profondeur, mais elle reste néanmoins susceptible d’induire une erreur significative dans les déplacements calculés. Le cas idéal est celui où l’on a reconnu un substratum rigide à une profondeur donnée, ce qui suppose que les reconnaissances aient été conduites jusqu’à une profondeur suffisante. Pour un tunnel, par exemple, il serait souhaitable, pour les besoins de la modélisation, de mener des reconnaissances bien au-delà de la profondeur de l’axe : ce n’est généralement pas le cas dans les projets réels.


Dans les directions latérales, la prise en compte d’un domaine trop peu étendu peut également modifier significativement la réponse du modèle numérique. Des déplacements bloqués conduisent à surestimer la raideur du massif, des conditions de type « contact lisse » conduisent à l’inverse à surestimer les déplacements. Le choix des dimensions du maillage adaptées à un ouvrage reste un problème largement ouvert, même si certains auteurs ont proposé des règles pratiques, qui ne doivent cependant pas être prises comme des prescriptions absolues (voir Mestat et Prat, 1999).

Le choix de l’étendue du domaine pris en compte dans le maillage est donc un point important de la modélisation des ouvrages géotechniques, même pour des analyses relativement simples en statique. Dans le cas des calculs dynamiques, la question de l’étendue du domaine maillé soulève des difficultés spécifiques et fait partie intégrante de la stratégie de modélisation. On détaillera ce point dans la section 8 ci-dessous.


2) Hétérogénéités du sol

Dans certaines régions, comme celles de Londres ou de Francfort, la géologie permet de considérer le sol au voisinage de l’ouvrage comme homogène (au sens où son comportement mécanique et hydraulique peut être représenté par un modèle unique). Cependant, il est fréquent, dans d’autres contextes, en particulier dans la région parisienne, que le domaine étudié comporte plusieurs couches de terrains présentant des natures et des caractéristiques (en particulier mécaniques) bien différentes. L’élaboration d’un modèle commence donc, comme pour les méthodes traditionnelles, par une étude détaillée des couches de sol dans la zone intéressée par l’ouvrage. Il ne s’agit pas de reproduire la géométrie exacte des couches géologiques (qui peuvent être de faible épaisseur localement), mais de définir des ensembles géotechniquement homogènes.


3) Discontinuités

Une particularité importante des calculs géotechniques réside dans la présence, au sein des massifs, de surfaces de fracture préexistantes à la mise en place de l’ouvrage ou du chargement étudié. Elles produisent une discontinuité du déplacement entre les blocs situés de part et d’autre de la surface de fracture. La méthode des éléments finis est plutôt adaptée à la recherche de champs de déplacement continus, et la prise en compte de ce type de discontinuité demande la mise en œuvre de techniques spécifiques (on utilise généralement des éléments particuliers), voire d’utiliser une autre méthode de calcul comme la méthode des éléments distincts.


L’analyse a posteriori de glissements de terrain, par exemple, est un exercice délicat. Il est à l’heure actuelle extrêmement difficile de prévoir l’apparition et le développement d’une surface de rupture. On en est réduit le plus souvent à prendre en compte une surface existante, dont on a pu reconnaître la position de manière plus ou moins précise à l’aide de dispositifs ad hoc (par exemple des inclinomètres qui suivent la déformation d’un versant).

Les massifs rocheux sont souvent traversés par un grand nombre de fractures présentant des orientations pratiquement parallèles à une ou deux directions privilégiées (diaclases régionales). La distribution des fractures est aléatoire, ou en tout cas impossible à caractériser complètement à l’échelle du massif, et diffuse. Si l’on s’intéresse au comportement global du massif, on peut proposer de le modéliser comme un milieu continu, en lui affectant un modèle de comportement intégrant, à l’échelle du calcul, l’effet des discontinuités : on recourt en général à des méthodes d’homogénéisation.

On peut aussi avoir à prendre en compte une discontinuité de grande ampleur dans un massif rocheux (faille), que l’on peut traiter comme les surfaces de rupture des glissements de terrain.


4) Un système matériel "ouvert" et des techniques de construction à modéliser

Comme on l’a dit dans le chapitre introductif, une spécificité des calculs de génie civil tient à la nécessité de prendre en compte des phases de construction, telle que le déblaiement ou le remblaiement, la prise d’un massif de béton, la mise en tension de câbles, etc. La prise en compte de ces phases de construction dans le cadre de la méthode des éléments finis n’est pas forcément simple et immédiate : la méthode consiste à se ramener au calcul d’une matrice de rigidité, d’un vecteur de forces nodales, et à résoudre le système obtenu en tenant compte des conditions aux limites. Pour modéliser les phases de construction, on est amené à enchaîner des calculs, en prenant en compte le changement de raideur de certains éléments, la disparition ou le changement de nature de certains appuis, des changements de point d’application des chargements, etc.


La difficulté consiste donc à proposer des techniques de simulation permettant de prendre en compte un grand nombre de dispositions constructives dans le cadre relativement étroit de la méthode des éléments finis. Il revient à l’utilisateur de discerner si les outils de modélisation proposés par les logiciels reflètent correctement les phénomènes mis en jeu.

Dans le cas des tunnels creusés au tunnelier, les sollicitations appliquées au terrain au cours des différentes phases d’avancement sont complexes, le terrain se refermant sur l’anneau constitué par les voussoirs lorsque le tunnelier avance. La mise en place de pieux par battage est un autre exemple de problème qu’il est difficile de ramener au cadre de la méthode des éléments finis.